C'était le 10 juin 1983 que le ministre de la Justice d'alors, Robert Badinter, a promulgué la loi instituant dans le code pénal la peine du travail d'intérêt général (TIG). Une peine conçue comme substitutive à l'emprisonnement pour les auteurs de délits et de contraventions de cinquième classe.
Et lundi 19 juin, une réunion d'information s'est tenue au palais de justice de Villefranche à la fois pour célébrer les 40 années d'existence de la peine, mais aussi rappeler sa pertinence, en détailler les modalités d'application et modifier le regard porté sur elle.
Avec, pour la deuxième fois en quelques mois après l'anniversaire des 40 ans du tribunal de Villefranche, une projection d'une interview de Robert Badinter en personne dans la salle d'audience A.
"L’intérêt de cette peine n’a pas pénétré l’inconscient collectif de la nation, y déclare l'ancien ministre. Nous avons du mal à trouver les relais de sa mise en œuvre non seulement dans les collectivités publiques mais également dans les entreprises. Je salue l’implication des associations. Il faut mener un travail d’explication au sein du système scolaire."
Différents orateurs confrontés au terrain ont pris la parole pour faire part à l'assistance de l'élargissement continu des modalités de la peine, de leurs difficultés dans sa mise en œuvre et des espoirs suscités par le vent nouveau qui s'est levé depuis cinq ans face au records du nombre de personnes incarcérées en France
L’élargissement du cadre législatif et réglementaire
Au plan quantitatif, l’offre de places est passée de 18 000 en 2019 à 36 000 (NDLR : 60 places dans le ressort du tribunal judiciaire de Villefranche). Cette offre s’est accompagnée au plan qualitatif par diverses mesures d’élargissement du dispositif.
À l'image du nombre d’heures de travail d’intérêt général susceptibles d’être proposées par le juge aux contrevenants (de 20 heures à l’origine à 400 heures aujourd’hui, avec une moyenne nationale de 70 heures).
Mais aussi de la création d’emplois de référents territoriaux chargés de diversifier l’offre de places sur leur territoire et accompagner les organismes d’accueil et former les tuteurs. Sans oublier la création en 2018 de l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle (ATIGIP), chargée de lutter contre la surpopulation carcérale et l’inactivité des détenus, favoriser la réinsertion, réduire les taux de récidive (60 % de récidive à cinq ans pour les courtes peines) et développer les alternatives à l’emprisonnement.
Des difficultés et des satisfactions
France Rouzier, présidente du tribunal, a rappelé les chiffres de sa juridiction avec 2 335 heures de TIG exécutées en 2022, 86 TIG prononcés au niveau du SPIP et six au niveau de la PJJ.
Elle a aussi parlé de son expérience. "Les obstacles auxquels se heurtent la justice sont nombreux, a-t-elle expliqué. La précarité et l’éloignement de l’emploi des auteurs d’infractions, leur fréquent refus d’effectuer un travail non rémunéré, aux horaires contraignants, l’absence de moyens de transport, le manque de compétences, mais aussi le succès du bracelet électronique en raison de la relative liberté de mouvement qu’il autorise dans le cadre du contrôle judiciaire et enfin les contraintes administratives."
Le responsable du service propreté de Villefranche a estimé que "cela se passait plutôt bien. En deux ans, j’ai accueilli seize personnes, qui ont su passer au-dessus des remarques des usagers mécontents, des railleries des amis et des horaires décalés. Il n’y a eu que 20% d’échecs".
Le directeur de l’association Abri a souligné que plusieurs "tigistes" avaient souhaité continuer à travailler pour l’association à l’issue de l’exécution de leur peine.
La directrice de la médiathèque a précisé qu’elle avait toujours été en mesure de proposer des postes permettant aux personnes placées de surmonter leur phobie du public ou la honte d’apparaître comme des délinquants. Deux tigistes placés dans un club de rugby aindinois ont déclaré en vidéo projection avoir retrouvé le sens de la vie en société.