A un peu plus de deux mois du lancement des vendanges, le Beaujolais compte ses grappes?! S'il est encore trop tôt pour tirer des plans sur la comète, vignerons et techniciens sont formels?: 2015 s'annonce comme une petite récolte.
Certes, on n'atteindra sans doute pas le plancher historique de 2012 (moins de 600?000?hectolitres produits), mais il faut s'attendre à un volume inférieur à la barre des 700 000 hectolitres. C'est dans les parcelles de vignes les plus anciennes que le manque de raisins suscite le plus de perplexité. A écouter les producteurs évoquer le sujet, l'écart de rendements entre les ceps les plus âgés et les plus jeunes serait particulièrement marqué. En fonction du type d'exploitation et de sa localisation, il risque donc d'y avoir des gagnants et des perdants.
"On évalue le potentiel de production de l'année en fonction du nombre de grappes. Il ne s'agit que d'une première évaluation, d'une indication, mais il est vrai que nous sommes en 2015 à une moyenne légèrement inférieure à dix grappes par cep. Ce n'est pas catastrophique non plus, mais c'est assez faible", analyse Florence Hertaut, technicienne à la Chambre d'Agriculture du Rhône. Sur les soixante parcelles tests observées, le nombre de grappes est supérieur en beaujolais (10,2) par rapport aux beaujolais-villages et crus (8,5). A 9,3?grappes par cep, la moyenne est la plus basse enregistrée depuis plus de dix ans. Mais attention à ne pas tirer trop de conclusions hâtives ?! En 2009 et 2012, le potentiel de départ était à peine plus élevé. A l'arrivée, des conditions optimales avaient préservé un volume très correct en 2009, tandis que divers aléas avaient achevé de plomber l'année 2012.
La nature n'explique pas tout…
Il existe des causes naturelles (et prévisibles) au phénomène observé en 2015, ce que ne manque pas de confirmer Florence Hertaut : "On s'y attendait. La quantité de la récolte est déterminée par les conditions dans lesquelles la fleur est passée l'année précédente. Or, en 2014, la fin du printemps s'était traduite par des conditions très sèches". Un peu comme si le stress hydrique alors subi se matérialisait un an plus tard. "C'est pourquoi nous pouvons déjà estimer que le potentiel pour 2016 devrait être supérieur à celui de cette année", sourit la technicienne de la Chambre d'agriculture.
Mais la nature n'explique pas tout ! Des causes structurelles amputent chaque année davantage le potentiel de récolte. Arrachages et cessations d'activité alimentent la chute continue de la surface du vignoble (environ 18 000 hectares en 2014 contre plus de 23 000 en 2004). Même s'il s'est stabilisé, l'âge moyen du vignoble demeure élevé, avec 30?% de parcelles de plus de 60?ans. Les maladies du bois provoquent des trous parfois béants dans les parcelles, tandis que la fertilité des sols n'est pas toujours entretenue.
A l'identique de nombreux vignerons sur le plan économique, les vignes beaujolaises cherchent un second souffle.
Julien Verchère