Car l'année a été marquée par une incroyable conjonction d'événements contraires : gel d'hiver puis de printemps, floraison délicate, pression rarissime du mildiou et de l'oïdium, multiples orages de grêle. N'en jetez plus…
Selon la profession, la récolte oscillera entre 415 000 et 480 000 hectolitres, la plus faible de l'histoire du Beaujolais. La perte en chiffre d'affaires global pour le vignoble pourrait atteindre 60 millions d'euros, alors même que les coûts de production ont explosé en 2012. Tout simplement impossible à supporter pour des centaines d'exploitations déjà fragilisées par des années de crise.
Vendanger… ou pas
Robert Verger, vigneron à Saint-Lager, est aussi président du CER France Rhône, réseau associatif de conseil et d'expertise comptable. Il estime "à environ cinq cents le nombre d'exploitations qui seront en cessation de paiement après les vendanges", ajoutant : "La récolte sera réduite de moitié, mais les prix ne vont pas doubler. Il va falloir aider ceux qui n'ont plus de solutions à sortir dignement du métier et ceux qui y croient encore à passer ce cap difficile. C'est tout un milieu économique qui peut être affecté, que ce soit les labos, les magasins d'articles de caves, la mécanique… Aujourd'hui, il y a beaucoup d'impayés, les fournisseurs jouent le rôle de banque", raconte Robert Verger, évoquant "une impasse mathématique" pour résumer la position dans laquelle se trouve nombre d'exploitants. "Certains se demandent s'il faut vendanger ou pas", grimace-t-il.
Un vigneron sur deux menacé ?
Les représentants du vignoble tirent eu aussi la sonnette d'alarme. L'Union viticole, les ODG, les caves coopératives, les vignerons indépendants et la FDSEA se sont unis pour rédiger un courrier destiné à mobiliser en toute urgence la profession. "Nous vous demandons de sensibiliser vos élus avant les vendanges, maires, conseillers généraux et régionaux, députés et sénateurs sur la situation actuelle et à venir du vignoble du Beaujolais. Nous craignons un effet détonant de la conjugaison de la petite récolte à venir avec le déficit désormais structurel des trésoreries. (…) Cette perte énorme peut provoquer un cataclysme car elle se conjugue aux effets de la crise continue depuis 2001. Les trésoreries d'exploitations sont aujourd'hui exsangues. Rappelons que le centre de gestion CER France comptabilise à ce jour quatre cent cinquante exploitations en état de cessation de paiement. L'année 2013 pourrait mettre à terre ces exploitations mais aussi la moitié des vignerons du Beaujolais", peut-on lire dans ce courrier. Soit un millier d'exploitations ! Pour la région, c'est le spectre d'une catastrophe économique et sociale qui se profile.
Tout en appelant à l'aide, le Beaujolais essaie de sauver les apparences. Craignant sans doute que cette crise réduise à néant les efforts engagés pour redorer l'image du vignoble, Inter Beaujolais demande dans sa dernière newsletter aux vignerons de le tenir informé des sollicitations des médias. Une façon d'inciter chacun à s'en tenir au politiquement correct ? "Ce fonctionnement nous permet de mieux maîtriser notre communication en proposant un discours cohérent et homogène", indique l'organisme. Mais beaucoup d'exploitants se trouvent à mille lieux de ces préoccupations de communicants. Leur souci, c'est de savoir comment ils pourront continuer à vivre dans les prochains mois.
Julien Verchère