AccueilACTUALITESViticultureViolences à Villefranche suite à la mort de Nahel : "On m'avait prévenu que ça allait péter"

Violences à Villefranche suite à la mort de Nahel : "On m'avait prévenu que ça allait péter"

Le bar tabac presse de Jean Bréard, route de Frans, a été attaqué dans la soirée du vendredi 30 juin. Idem pour l'Atelier des motards, rue Alexandre Richetta. Les commerçants témoignent.
Jean Bréard, gérant du Café des abattoirs, cible des émeutiers du vendredi 30 juin, à Béligny.
© Simon ALVES - Jean Bréard, gérant du Café des abattoirs, cible des émeutiers du vendredi 30 juin, à Béligny.

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"On fait un p'tit barbeuc ! C'est cool hein ?" Jean Bréard a encore le coeur à rire quand il répond en blaguant à un habitué de son commerce qui s'arrête en voiture. Mais jaune.

Avec sa femme et quelques proches, il s'attèle, ce samedi 1er juillet, à nettoyer et débarrasser ce qu'il peut du bâtiment à l'arrière de son Café des abattoirs, noirci par un incendie, à l'angle de la rue Émile Zola et de la route de Frans. Un local qui, la veille au soir, a été la cible d'une attaque dans le cadre des émeutes qui secouent le pays depuis la mort de Nahel, à Nanterre.

"J'ai vu en direct sur mon téléphone les caméras"

"Tout le monde m'avait prévenu que ça allait péter", explique le gérant, qui a vu les vitres de son bar démolies. Et il l'a vécu en direct. "J'étais sur mon téléphone à visionner les caméras intérieures, poursuit-il. J'avais mon interlocuteur de la société de sécurité qui me disait de ne pas y aller tout de suite et de ne pas rentrer car ils étaient trop nombreux. Je ne devais donc pas prendre de risque."

Sur les images, il distingue un peu moins d'une quarantaine d'individus masqués qui s'en prennent au bâtiment. "On se sent quand même chanceux parce qu'à l'intérieur, il n'y a rien de cassé, tempère-t-il. Ce sont les carreaux qui ont pris. Le bâtiment derrière, c'est un peu plus embêtant."

Ce local, c'est une sorte de sas au sein duquel il reçoit les journaux dans la nuit, entrepose du matériel ou des poubelles. Ce sont d'ailleurs ces dernières qui ont été mises à feu, à l'aide d'essence et de journaux.

Les flammes ont alors rapidement gagné la toiture qui a été ravagée. Du matériel de rechange, telles que des machines à café en cas de panne, a été aussi détruit. "À mon avis, il va falloir démolir", se résigne-t-il.

"Tu ne peux rien faire, c'est une meute-là !"

Pour celui qui gère le Café des abattoirs depuis maintenant deux ans, c'est un peu une première. "Globalement, ça se passe bien ici", assure-t-il, lui dont l'échope est en effet régulièrement fréquentée par les habitants du quartier ou les ouvriers travaillant sur les chantiers immobiliers des environs.

À côté, une connaissance en profite pour montrer sur son smartphone des images issues de Snapchat des émeutes de la nuit. Notamment celles qui ont frappé l'enseigne Boulanger et le magasin de téléphonie mobile 2A Mobile, dans la zone commerciale de la Lagune. "Tu ne peux rien faire, c'est une meute-là !", s'exclame l'épouse de Jean Bréard.

Attelé à nettoyer et évacuer toute l'eau déversée par l'intervention des pompiers la nuit dernière, le couple aurait bien aimé lever le rideau ce samedi. D'autant que l'électricité n'a pas été touchée. "Mais je n'ai plus Internet et j'en ai besoin pour ouvrir", déplore Jean Bréard.

Pour lui, pas question de rester ce soir sur place. "On a vu qu'à La Duchère, certains avaient des kalachnikov. On va éviter de se prendre une balle. Il y a des choses plus importantes dans la vie". Le gérant souhaite pouvoir sécuriser au maximum son commerce mais doit faire face à l'attente : la personne sollicitée pour substituer les vitres est débordée à Lyon.

Entre 100 et 150 émeutiers

Les vitres de l'Atelier des motards, rue Alexandre Richetta, ont tenu malgré les attaques © Simon ALVES

Un peu plus de 500 mètres plus loin, rue Alexandre Richetta, Sébastien Rognard n'a pas attendu. La grande porte de l'atelier de réparation de motos attenante à sa concession de vente, l'Atelier des motards, a déjà été bardée de plaques de bois pour remplacer les vitres brisées en hauteur.

Et face au flegme de Jean Bréard, sa colère, bien que contenue, contraste. "Cette nuit, je vais rester-là et le premier qui rentre...", prévient-il, sans aller plus loin.

"Ils étaient une centaine, assure-t-il. Entre 100 et 150 facile. J'en ai discuté avec le maire Thomas Ravier qui lui les estime entre 150 et 200." Lui aussi a pu évaluer leur présence sur les vidéos. C'est parce que des locataires à côté de son atelier l'ont prévenu qu'il a pu voir sa cour noire de monde sur les vidéos de sécurité et se précipiter sur place.

"Quand je suis arrivé, le gros du paquet était déjà reparti, poursuit-il. Il n'en restait qu'une dizaine qui sortait de ma cour. J'ai pu arriver avant qu'ils ne rentrent." Fort heureusement pour lui, seules les vitres sécurisées de l'espace de vente, constellées d'impacts, ont pris. "Ils ont arraché des plaques d'égoût pour les projeter contre les vitres", précise-t-il en montrant la plaque en question, remise en place depuis.

Une provocation en pleine interview

Comme cela a été conseillé à divers commerces du centre-ville ou dans les grandes zones commerciales, c'est très tôt, vers 17 h, qu'il ferme sa grille ce soir. Car il redoute une nouvelle nuit de violences et des conséquences catastrophiques pour son affaire. "Les assurances, c'est de la merde, assène-t-il. C'est à l'État de payer et j'espère qu'il va le faire. C'est de sa responsabilité à 100 % cette situation. Quand on voit que même les plus âgés n'arrivent pas à raisonner les gamins."

Et de prendre pour exemple le cas d'une vidéo sur les réseaux sociaux montrant une dame d'une cinquantaine d'années dévaliser le Boulanger de Villefranche, une cafetière sous le bras. "Si des parents cautionnent ça, on est mal barré", se désole-t-il.

En prélude à ce qui pourrait bien être une nouvelle soirée de violences, le propriétaire, qui nous raccompagnait à la grille a vu passer devant son commerce un utilitaire au volant duquel des individus à son bord l'ont nargué. "Ils savent ! Ils savent", hurlent-ils, sans ralentir, à Sébastien Rognard. "Tu les as entendu ?", lui lance alors un jeune travaillant pour lui.

Oui. Et il n'est pas le seul.

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