AccueilACTUALITES"Moi, Mariame, prostituée en Beaujolais" : enquête sur une vérité qui dérange

"Moi, Mariame, prostituée en Beaujolais" : enquête sur une vérité qui dérange

Le témoignage choc d'une prostituée du Beaujolais qui vend son corps dans une camionnette.

ACTUALITES Publié le ,

En circulant sur la grande route toute proche, les gens aperçoivent votre camionnette sans savoir qui vous êtes…

"J'ai 55 ans, je suis mariée et j'ai plusieurs enfants. J'habite à Lyon et je suis née en Côte d'Ivoire."

Quel parcours vous a amenée jusqu'à cette activité ?

"Je suis arrivée dans le pays en 1982 avec mon mari français, qui était auparavant coopérant en Afrique. Puis je me suis retrouvée seule et j'ai dû faire face à des problèmes de papiers.

J'ai fait plusieurs petits boulots, comme des gardes d'enfants, avant de me lancer il y a une dizaine d'années dans la prostitution… après avoir regardé un reportage à la télé. C'est un peu à cause de vous (rires) !

Je tiens à dire que j'ai vraiment choisi ce métier. C'est d'ailleurs dans le cadre de cette activité que j'ai rencontré mon nouveau mari."

Comment êtes-vous arrivée dans cet endroit au sud du Beaujolais Val de Saône ?

"Il y a dix ans que je suis installée sur le même emplacement. J'ai tout de suite voulu travailler seule, en étant complètement autonome. Je n'ai pas de "mac".

Ici je suis tranquille, c'est complètement différent de Lyon. Je ne voudrais pas être dans une file de camionnettes, faire du travail à la chaîne comme à Perrache par exemple."

"QUINZE MINUTES, APRES JE LES METS DEHORS"

La journée type d'une prostituée, ça ressemble à quoi ?

"Je pars de chez moi avec ma voiture le matin, jusqu'à un box où est garé mon camion. Je viens jusqu'ici et je démarre la journée. Je signale ma présence par une petite lumière. Sans ce repère, on a déjà pris mon camion pour celui de l'agriculteur du coin !

C'est quinze minutes par client, pas plus. Après je les mets dehors. Il peut y avoir une petite exception pour ceux qui viennent souvent… et sont un peu vieux (rires).

Quand il n'y a pas de client, je lis la presse. En fin de journée, je me rhabille normalement, je récupère ma voiture et je vais faire mes courses comme tout le monde."

Vos proches sont-ils au courant de votre activité ?

"Presque personne dans mon entourage ne sait que je me prostitue, même si certains doivent avoir des doutes. Pour une Ivoirienne, ce sont des choses qui ne se disent pas."

Quel est le profil de vos clients ?

"Il y a de tout ! Des agriculteurs du coin, des VRP de passage qui s'arrêtent, de tous les âges. J'ai pas mal d'anciens, 70 ans par exemple. C'est un bon endroit pour travailler le Beaujolais, avec des clients réguliers. C'est propre, clean, je suis respectée. Il nous arrive de discuter, parfois même de politique."

Le Beaujolais est une région où le Front national est très ancré. N'êtes-vous jamais victime de racisme ?

"Je n'ai pas ce problème. Depuis dix ans que j'exerce, j'ai été confrontée une seule fois à des cris de singe venus de la route."

"UNE FILLE S'EST FAITE ATTAQUER"

Quels tarifs pratiquez-vous ? La crise a-t-elle un impact sur votre activité ?

"C'est 30 euros la fellation et 50 euros l'amour, parfois plus selon la prestation. La crise a fait baisser mon chiffre de 50 %. Certains clients venaient deux fois par semaine. Je ne les vois plus qu'une fois, ou même plus du tout !"

Vous êtes isolée, malgré la route très fréquentée toute proche. A quelles formes de violence êtes-vous confrontée ?

"Je me suis fait braquer trois fois en dix ans, deux fois sous la menace d'une arme. Une fois, on m'a volé 200 euros et mon téléphone. Une autre fois, j'ai raconté que j'avais eu un seul client, j'ai donné 30 euros et l'agresseur est parti. Ce sont des drogués du coin, pour l'argent."

Vous n'avez pas été victime d'agression sexuelle ?

"Je n'ai pas de problème avec les clients. Mais une fille s'est faite attaquer juste à côté."

Etes-vous armée ?

"Il faut bien pouvoir se défendre…"

D'autres prostituées cherchent-elles à prendre votre emplacement ?

"Une fois, deux filles ont été déposées par un homme. C'étaient des Kosovares ou des Roumaines. Elles recherchent des places. Je les ai chassées ! Le mec est venu les reprendre en voiture. Une fois qu'on prend un emplacement, on ne le lâche pas.

Il faut défendre son territoire. A chacun son secteur, il ne faut pas être trop serré, pas qu'il y ait trop de camions. On veut être discrètes."

Votre présence semble bien tolérée. Vous n'avez pas de problème avec les propriétaires des champs voisins ?

"Je connais bien les paysans d'ici, on discute, ils m'amènent même des légumes ! Et à l'inverse il m'est arrivé de chasser des gens qui volaient du maïs.

Les gendarmes passent de temps en temps et me demandent si ça va. Je ne me sens pas isolée."

Vous pensez arrêter bientôt, faire un autre métier ?

"Non, non. Je veux prendre ma retraite à 60 ans. Je ne pense pas à faire un autre boulot. Je suis entrée dans la prostitution par moi-même, j'arrêterai par moi-même !"

Interview Laurence CHOPART et Julien VERCHERE

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