"En raison d'un mouvement de contestation de l'ensemble de la profession contre le coup de rabot historique que nous impose le gouvernement sur le budget des analyses médicales pour les trois années à venir, mettant en péril l'existence même des laboratoires de proximité), le labo sera fermé du lundi 9 au mardi 10 janvier inclus. Ce mouvement pourrait être reconduit".
Tel était le message du standard du laboratoire caladois Ingels Vignon dans la matinée du lundi 9 novembre : l'établissement, comme de nombreux autres dans le Beaujolais, a pris part au mouvement national de grève des laboratoires de biologie, qui se sont mobilisés à l'appel de l'Alliance de la biologie médicale (ABM).
Les consultations urgentes telles que les bilans de suivi de chimio, les bilans préopératoires ou les bilans d'urgence sont en revanche toujours assurées. Même constat du côté du laboratoire Biogroup, situé à côté du rond-point des conscrits : une banderole floquée du mot "grève" orne la porte d'entrée, intégralement recouverte. Car entre les laborantins et le gouvernement, le torchon brûle : l'État compte en effet d’imposer une baisse de 250 millions d’euros par an jusqu’en 2026 sur les dépenses de biologie courante, en raison des bénéfices que les laboratoires ont réalisés durant la période Covid.
Au mois de novembre 2022, une mobilisation similaire avait eu lieu, suivie presque à 100 % au niveau national. "Sur Villefranche, aujourd'hui, nous sommes tous grévistes : on a communiqué avec nos confrères de Biogroup et nous avons la même vision", témoignait ce lundi Isabelle Vignon, biologiste responsable du laboratoire Ingels Vignon de la rue Victor Hugo.
Ce dernier appartient au groupement Novelab, qui rassemble 23 établissements de ce type sur le territoire Rhodanien. Selon le directeur général de l'entreprise, Vincent Duchamp, ce nouvel épisode de grève était suivi à 90 % à l'échelle de l'Hexagone. Cet appel à la grève totale du 9 au 15 janvier pourrait être étendu par la suite.
Pour les biologistes, "Oui à l'effort, non au rabot !"
"Il y a toujours une convention qui est signée entre la sécurité sociale et les laboratoires d'analyse médicale, pour faire entrer les dépenses de biologie médicale dans une enveloppe, explique Isabelle Vignon. On a toujours joué le jeu et respecté les conventions qui se faisaient entre les deux parties".
Durant la crise Covid, les laboratoires ont travaillé à un rythme effréné : le rendu des tests devait être effectué en 24 h, sans quoi ils n'étaient pas payés. Embauche massive de personnel - pour effectuer les tests mais aussi des vigiles par exemple – acheter des automates, des réactifs… Et réaliser des journées à rallonge.
Si un chiffre d'affaires important a été réalisé par les labos durant cette période, pour la responsable du laboratoire Ingels Vignon, il ne faut pas le confondre avec des bénéfices. "Entre le personnel, les machines, les réactifs, les biologistes ont gagné environ 800 M€". Dans une lettre ouverte au Président publiée le 6 janvier, l'ABM explique avoir proposé à l'Assurance maladie "de rétrocéder près de 700 M€, soit 80 % de nos bénéfices Covid […] Oui à l'effort, non au rabot !".

Car la mesure impacterait l'ensemble de la biologie. "On nous demande de faire des économies sur l'hématologie qui est dans les suivis des cancers, sur les sérologies pendant les grossesses, sur le bilan lipidique, sur toutes les analyses qu'on fait tous les jours : ce n'est pas logique de nous demander de faire des grosses coupes budgétaires sur l'ensemble de la biologie médicale par rapport à une situation qui s'est passée et de rembourser plus que ce qu'on a gagné", pointe Isabelle Vignon.
Selon l'ABM, à court terme, la mesure pourrait mener à la suppression de plus de 10 000 emplois directs et la fermeture de 400 sites de proximité, notamment dans les déserts médicaux.