Il a tourné la page Californienne, sans aucuns regrets, ce passage comme directeur de la formation des Santa Cruz Breakers durant un an, dans la foulée de ses quatre années à Beyrouth, au poste identique mais aux ressentis si différents. Stéphane D'Urbano est de retour sur un banc régional, là où on ne l'attendait pas forcément : à Pomeys, dans cette entente des Hauts-Lyonnais où il a retrouvé son ancien meneur des années caladoises, Romain Dedola, dans la bascule d'une carrière de coach. Affinités, amitiés, D'Urbano ne s'éloigne jamais trop loin de tous ceux qui ont nourri son parcours. Un nouveau virage, dans cette National 3 où se maintenir est un combat à mille tournants comme ses deux premiers matches, à Bourgoin et face à la réserve de Clermont, l'indiquent. Un challenge de plus, vécu sans freins, comme il le raconte, ici. En coach toujours aussi passionné, quand il s'agit d'aborder le jeu. Des jeunes aux seniors. L'adaptation permanente.
Fin janvier, vous êtes revenu sur un banc régional avec un premier match à Bourgoin (1-1) pour commencer. Ça reste un retour assez surprenant après vos périples au Liban et aux USA. Qu'est-ce qui a entraîné ce choix ?
"Le fait que Limonest (N3) décide de se séparer de son coach Nicolas Pinard et que derrière celui de Hauts-Lyonnais, Romain Reynaud, prenne sa suite, cela a laissé une place libre sur un banc. Il fallait que le club de Hauts-Lyonnais trouve un coach assez vite. L'entraîneur-adjoint de ce club, Romain Dedola, que j'ai entraîné à Chasselay puis à Villefranche, recherchait quelqu'un pour pouvoir l'épauler, dans la continuité de qui avait été fait jusqu'ici. Il m'a rapidement contacté pour savoir si j'étais vraiment intéressé. Au départ, l'idée de reprendre une équipe en cours de saison n'était pas d'actualité pour moi. J'étais rentré des Etats-Unis avec d'abord le besoin de me reposer un peu. Par la suite, je souhaitais surtout me rapprocher de la FFF pour repartir ailleurs, sur un autre projet, à l'étranger. Puis, je me suis dit, pourquoi pas aider les Hauts-Lyonnais et Romain (Dedola). Il s'agit surtout de rendre service à un ami qui avait besoin d'un coach assez vite. Pour l'instant je ne me suis pas engagé plus loin que la fin de saison, on verra au bout du championnat."
La perspective, ensuite, c'est de revivre une nouvelle expérience à l'étranger ?
"On verra d'ici deux ou trois mois. Si ça se trouve, cette expérience, ici, va me plaire, je vais retomber dans une certaine excitation sur tout : le quotidien de coach, les analyses vidéos, la prépa' du prochain match… Je vais reprendre mes habitudes de travail, avec un bon groupe de joueurs. On s'entraîne en National 3 mais ça reste un club de village, un club de potes. J'aime cet état d'esprit-là. Cela peut me remotiver à nouveau pour reprendre le coaching en senior. "
"Ce qui est brutal, c'est de passer de deux villes à plus d'un million d'habitants au village de Pomeys ! C'est marrant et ça me plait aussi !"
La lutte pour le maintien, en N3, une saison à cinq descentes, tout ça ne représente pas un contexte rêvé pour reprendre un banc…
"Je trouve plutôt que ça reste un challenge excitant. On est en milieu de tableau donc concernés par le maintien mais dès le premier jour dans ce groupe, il y a quelque-chose qui m'a frappé : aucun des joueurs n'avait moins trois saisons au club. C'est vraiment particulier et c'est ce qui me plait, à ce niveau. Il y a une belle mentalité. Dès mon premier match à Bourgoin, chez le leader, on ramène un point (1-1) mais on mérite, presque, de gagner ce match."
Revenir auprès d'une équipe senior quand on a passé les dernières années dans la formation, en jeunes, n'est-ce pas un changement brutal, surtout en France ?
"Non, pas vraiment. A Beyrouth ou à San Francisco, j'étais constamment en contact avec les coaches des seniors. Mes deux dernières années à Beyrouth, j'avais repris une équipe senior. Ce qui est brutal, c'est de passer de deux villes à plus d'un million d'habitants au village de Pomeys ! C'est marrant et ça me plait aussi ! (rires)"
Justement, entre Pomeys et San Francisco, comment se vit ce changement d'échelle ?
"Il se vit très bien ! J'avais l'intention de revenir en France, après l'expérience aux Etats-Unis. Reprendre des habitudes : parler français, c'était important pour moi. C'est un challenge et comme tout coach, ça reste stimulant de le relever. Je ne m'attendais pas à reprendre une équipe aussi rapidement mais c'est vite reparti ! Il n'y a aucun temps d'adaptation, je suis prêt ! J'avais, depuis mon retour en France, ces derniers mois, travaillé avec le district du Rhône sur les formations de cadres. A Hauts-Lyonnais cela se fait tellement naturellement avec le groupe en place. Il n'y a aucune appréhension."
"Le foot que je veux restera offensif et sera fait de prises de risques"
Dans cette vision à court terme, à Pomeys, en quoi vos expériences à l'étranger peuvent-elles servir ?
"Etre plus directement dans le sujet. Aux USA, avec la barrière de la langue, cela m'obligeait à préparer plus en amont toutes mes interventions, être plus dans l'anticipation et l'organisation. Revenir ici, sur un secteur et un langage que je connais par cœur, ça va beaucoup plus vite, dans tous les domaines."
Entre votre dernier match que vous avez dirigé avec le FCVB en N2, en 2017 et celui de votre retour, fin janvier à Bourgoin, il existe quoi : un gouffre, une continuité ?
"On a joué chez le premier, une belle équipe de Bourgoin, avec des intentions. A dix minutes de la fin, on menait encore 0-1. Au niveau du jeu, des intentions et de la qualité, il n'y a pas un gouffre. A chaque fois que je revenais en France, ces dernières années, j'allais voir pas mal de matches. Mais ça fait bizarre de se retrouver sur un banc de touche français après tant d'années. C'est un contexte aussi très particulier avec la refonte des championnats, de la N1 à la N3, tout le monde va batailler jusqu'au bout. Et ça me va ! J'aime le projet du club. On n'aura que des combats jusqu'à la fin."
Les premiers mots, dans un vestiaire que vous découvrez, portent sur quoi ?
"Franchement, à Bourgoin, c'était plutôt simple. On allait chez le leader invaincu, là où il n'y avait rien à perdre. Ce n'était que du positif. Le groupe était super réactif. Mon premier message a été de dire, que reprendre une saison avec un tel déplacement, il n'y avait pas mieux."
Pour se sauver, allez-vous revoir vos principes de jeu, plutôt offensifs ?
"Non parce que c'est une équipe qui a des intentions de jeu déjà bien installées. Et cela m'a surpris. Offensivement, on a beaucoup de choses à rectifier, par contre. C'est un peu le défaut de cette équipe. Mais c'est le foot que je veux, un foot offensif fait de prises de risques."
"A Hauts-Lyonnais, j'ai la chance de travailler avec Romain Dedola, un de mes anciens joueurs que j'ai connu à Villefranche et Chasselay. Il connait le groupe par cœur. Il y a un énorme feeling entre lui et les joueurs"
Qu'avez-vous tiré de votre deuxième match perdu face à la réserve de Clermont, samedi dernier à domicile (1-3) ?
"Offensivement, Clermont allait vraiment très vite. On aura fait jeu égal en première période avec deux gros "face-à-face" que l'on ne marque pas. C'est là notre principal secteur à améliorer : finir nos actions. On fait une grosse erreur à trois minutes de la fin ! En seconde période, on s'est quand même bien fait bouger. On a égalisé sur une contre-attaque un peu contre le cours du jeu, il faut le dire. On pêche dans ça : quand on n'est pas capable de gagner un match, il faut savoir ne pas le perdre. On s'est fait contrer sur la fin, naïvement. Offensivement, il y a vraiment du boulot. On a quinze jours devant nous pour bien bosser avant d'aller à Domérat, un adversaire direct pour le maintien. Il faudra gagner là-bas. Il n'y a pas le choix. Le seul problème, c'est d'avoir perdu des joueurs offensifs cet hiver. Mais tous ceux qui restent sont de bons gars. Mais je ne regrette pas mon choix d'être là. Ça me rappelle la première saison à Villefranche (2014-2015) quand nous étions avant-dernier à la trêve. Au retour, on avait enchaîné quinze matches sans défaites. Il avait fallu tout changer : la façon de voir le jeu, la façon de travailler. On est là-dedans, aujourd'hui. S'il nous faut cinq occases pour en mettre une, il faudra bosser ça, encore plus. Et puis, il y a un point notable qu'il faudra améliorer depuis que je suis arrivé : On a pris quatre buts dans les cinq dernières minutes des mi-temps, ou en fin de match. Il faut considérer certaines stats, quand on veut changer les choses. En deux matches et quelques entraînements, j'ai pu cibler le profil de nos joueurs pour les faire évoluer."
Si maintien il n'y a pas au bout, prendrez-vous votre part d'échec ?
"Bien-sûr comme tout coach prend sa part de réussite quand ça marche aussi. La saison est compliquée avec un coach qui l'a commencée et un autre pour la terminer. Mais pour l'instant, on est loin de penser à un possible échec. Il y a vraiment un groupe qui a largement de quoi se maintenir. Avançons, déjà, étape par étape. Je ne vais rien chambouler. J'ai la chance de travailler avec Romain Dedola qui connait le groupe par cœur. Il y a un énorme feeling entre lui et les joueurs. Je viens pour l'accompagner et le former dans l'idée qu'il puisse prendre la suite, plus tard. Il est encore joueur. Il va falloir jongler avec ça. C'est important d'être à ses côtés. Il voulait vraiment que je vienne avec lui."
Ça donne l'impression d'un fil jamais rompu avec vos anciens joueurs…
"Le côté humain, dans ce métier, c'est ce qui est le plus important. Au fil des années, on a créé des choses, des liens et des entraides. C'est quasiment naturel."
Un retour réussi en France, dans quelques mois, vous le verriez de quelle sorte ?
"Un bon retour en France, ce serait de laisser le club des Hauts-Lyonnais en fin de saison en N3. Et ensuite, humainement, rencontrer de nouvelles personnes, créer des liens."
Propos recueillis par Ralph NEPLAZ
Correspondant local de presse.