En pleine saison, huit salades sur dix consommées dans la région ont été plantées dans les 35 000 m² de serres de Patrick Limousin, installé à Villefranche depuis 35 ans.
"Mes arrière‑grands‑parents, grands-parents et parents étaient maraîchers, j’aurais dû l’être également mais avec les 15 ha qu’avaient mes parents, il était impossible de grossir et de continuer à vivre du marché de détail. En 1988, j’ai donc fait le choix de cultiver des plants pour fournir les maraîchers de la région".
Aujourd’hui, 35 000 m² de serres permettent à l’entreprise Limousin de cultiver 110 millions de plants par an, dont 90 millions de salades.
Le reste de la production est composé de choux, céleris, de tomates "industrie" (qui sert à fabriquer sauce tomate et ketchup), et de quelques oignons, persil, courgettes et épinards. La principale activité est issue de la culture de 250 à 300 variétés de salades par an.
"La Batavia, par exemple, c’est 80 variétés différentes, il y a des variétés en hiver, en début de printemps, en fin de printemps… ce qui permet de manger des salades toute l’année, explique Patrick Limousin.
Certaines s’adaptent mieux aux sols de nos clients que d’autres, suivant qu’ils sont gras, sablonneux… Toutes les salades ne sont pas bonnes pour tous les types de sols".
Pour donner un plant, une graine demande 14 jours en été et 60 jours en hiver. Du 14 juillet au 15 août ce sont les quatre plus grosses semaines de l’année pour l'Earl Limousin, avec 14 millions de salades à semer.
Un process automatisé qui nécessite une surveillance quotidienne
Au début de la culture, 13 000 m3 de terreau sont livrés chaque année par 220 semi‑remorques. Deux machines créent ensuite des cubes de terreau, mouillés deux fois pour qu’ils restent humides, puis font un trou dans lequel le semoir automatique plante une graine, avec une capacité de production de 150 000 salades à l’heure.
L’ordinateur enregistre la variété, le n° du camion de terreau, le n° de la machine, la date du semis, le n° du lot de graines. Les caisses sont recouvertes d’une couche de sable blanc, pour garder la lumière l’hiver et l’humidité l’été, et empilées par le robot sur une palette qui est transférée vers la salle de germination pour 48 heures, avant qu’elles ne soient transférées dans les serres de culture.
Les plus récentes sont entièrement "découvrables", ce qui limite la chaleur, donc l’arrosage. Chaque serre est composée de travées numérotées appelées chapelles.
L’informatique permet de régler précisément dix à douze passages de 0,3 mm de brumisation par jour sur l’ensemble d’une chapelle et de traiter chaque variété différemment car une batavia s’arrose plus qu’une feuille de chêne blonde, par exemple.
"Si un jet est bouché, il faut le voir et réparer immédiatement sinon, une rangée non arrosée pendant un week-end part intégralement à la benne".
La grande serre à salades a une capacité de production de 6 millions de plants de salade vendus entre 4 et 5 centimes pièce, chaque plant y passe quatorze jours avant d'être livrés aux maraîchers. Ils passeront ensuite quatre semaines en champs pour donner une salade.
Une entreprise en quête de repreneur
Patrick Limousin doit partir à la retraite dans quatre ans, "le temps nécessaire pour accompagner un futur repreneur dans de bonnes conditions car il n’y a pas de formation pour la culture du plant, c’est un métier qu’il faut apprendre sur le tas. Je reçois des écoles de la filière agricole qui viennent visiter et lance des appels à candidats mais personne ne semble intéressé".
L’entreprise Limousin emploie dix-sept permanents et trois ou quatre intérimaires. En ce moment, c’est la pleine saison et il faut livrer le marché de gros avant 3 h du matin.
"Un jeune ne pourrait sans doute pas reprendre l’entreprise seul, compte tenu de toutes les contraintes d’hygiène, de traçabilité et de logistique, la gestion des équipements et du personnel.
Une démarche coopérative à deux ou trois serait idéale, mais il faut trouver des gens qui s’entendent et qui ont envie de se partager les responsabilités de la gestion d’une entreprise, du personnel, souligne Patrick Limousin.
Si demain, l’entreprise disparait, les plans de salades viendront d’ailleurs, adieu le circuit court… Aujourd’hui, une étude nationale annonce qu’une salade fait en moyenne 1000 km avant d’arriver sur l’étal. J’espère par cet interview, parvenir à donner l’envie".