Les chiffres sont sans appel : pour assurer dans de bonnes conditions la prochaine récolte sur les 13 500 hectares de vignes qui couvrent le territoire, il manque encore à ce jour plus de 1 000 vendangeurs.
Et seuls 200 à 300 ont été recrutés à ce jour selon Pôle Emploi. Des besoins évidents, quand on sait qu'en moyenne, cette récolte nécessite la présence de 20 personnes, coupeurs, porteurs, chauffeurs ou manutentionnaires pour être assurée sur un hectare durant une journée.
Vacances, précocité et rémunération
Pour les viticulteurs, les causes de la désaffection sont multiples. Daniel Bulliat, vice-président d'Inter Beaujolais, pointe notamment l’incertitude qui règne en ce moment quant au possible report de la date officielle du ban des vendanges en raison de la météo. "Nombre de futurs vendangeurs sont encore en vacances et tardent à candidater, ajoute-t-il. Et parmi les possibles recrues, beaucoup d'étudiants reprennent le chemin des facultés de plus en plus tôt alors que la période des vendanges est, elle, de plus en plus précoce."
Selon Michel Dargaud, président de l’association des viticulteurs de Salles-Arbuissonnas, il y a "une perte d’engouement pour les travaux manuels, particulièrement physiques" dans ce cas précis. À cela s'ajoutent des conditions de rémunération pas particulièrement attractives (au Smic horaire) et qui peuvent être minorées du prix des repas éventuellement fournis, le midi ou le soir, par l’exploitant. En outre, des frais de déplacement peuvent avoir à être engagés pour le trajet domicile-travail, voire des frais de séjour. Pour Daniel Bulliat en revanche, ce n'est pas forcément un problème. Il semble à l’intéressé que le niveau de rémunération de ces salariés saisonniers reste cohérent. "Au vu des 75 % des raisins récoltés à la main, les personnels sont, le plus souvent, sollicités pour effectuer des heures supplémentaires, au-delà de 48 heures en six jours, ce qui rend leurs taux horaires plus attractifs (majorés de 25 ou 50 %)", relève-t-il.
Travailleurs de l'étranger, bouche-à-oreille et fidélisation en solutions
Ceci dit, selon Thierry Trichard, vigneron à Saint-Julien, "il ne faut pas s’inquiéter outre mesure" de la situation actuelle. D’une part, même si l’échéance estimée du 25 août approche, le phénomène est habituel et les équipes se complètent chaque année. De plus, cette date n’est que prévisionnelle, participant ainsi à une passagère indécision. Pour les professionnels, la meilleure source de recrutement reste le "bouche à oreille". Et à ce jeu-là, le recours aux réseaux sociaux fonctionne "de mieux en mieux".
Certains peuvent constater néanmoins la présence effective d’équipes fidèles, d’une année sur l’autre. À la condition que les employeurs leur réservent des conditions d’accueil, de travail et de rémunération correctes. À ne pas négliger non plus, la présence via des structures adaptées (brigades viticoles) de bénéficiaires du RSA qui peuvent cumuler leurs indemnités et leurs salaires de vendangeurs. Par contre, une mesure d’ordre fiscal avait été prise il y a quelques années consistant à procéder à un allégement des cotisations sociales pesant sur les fiches de paye, ce qui induisait une hausse du salaire net. Elle a aujourd’hui disparu.
Les travailleurs en provenance de l'étranger occupent aussi une place de plus en plus importante. Parfois plus de 50 % d'une équipe, souvent en provenance d'Europe de l'Est (Pologne, Roumanie, Bulgarie), mais aussi de Sud-Américains (Argentine) et, c'est un fait nouveau, d'Italiens. Ces équipes, sous couvert d’agences de travail temporaire de leur pays de provenance pouvant officier successivement chez plusieurs viticulteurs dans différentes régions voire se consacrer au préalable à la cueillette de fruits et légumes.