22 ans ! 22 ans que le conseil des prud'hommes de Villefranche n'avait pas été présidée par une femme. Jeudi 19 janvier, à l'occasion de l'audience solennelle qui a précédé la rentrée judiciaire du tribunal de Villefranche (lire par ailleurs), Najet Griche a succédé à Jean Yerdamian, en présence de Madame Dos Santos, la dernière femme à avoir occupé cette fonction.
"C'est une militante CGT connue et respectée. Je suis honorée et fière. […] Je m'efforcerais d'être à la hauteur de cette fonction", a introduit Najet Griche, elle-même "militante" dans son entreprise Spicer France à Villefranche, où la technicienne logistique est élue au CSE et déléguée syndicale CGT.
Celle qui a rejoint le conseil des prud'hommes de Villefranche en 2018 en tant que conseillère salariée, a comme vice-président Yves Seguigne. "Je me réjouis de travailler à ses côtés et ainsi profiter de l'expérience d'un ancien conseiller prud'hommes en section commerce qui après démission, revient en section encadrement. Nous nous étions croisés en début de mandature en 2018."
"Tout a été fait pour dissuader de saisir les conseils des prud'hommes"
Pour son premier discours, et après les remerciements formulés aux greffiers et conseillers – le renouvellement est très important avec 24 nouveaux sur 40 pour ce mandat - Najet Griche est entrée dans le vif du sujet sur plusieurs volets, à commencer par la situation de crise sanitaire "qui a mis en difficulté l'activité prud'homale dans un certain nombre de conseils, augmentant les délais de procédure. Si aujourd’hui le problème sanitaire est apaisé, des difficultés de fonctionnement perdurent et démontrent que les budgets alloués à la justice, sont bien en dessous des besoins.
L’augmentation de 8 % du budget de la justice annoncée par le Garde des Sceaux s’inscrit dans le cadre d’un rattrapage, il n’est toujours pas à la hauteur", a tancé Najet Griche.
La présidente s'est dite inquiète pour l'avenir même de cette juridiction. Suppressions de conseils de prud'hommes, complexification de la requête initiale et des recours, atteinte à l'oralité des débats ou encore les Barèmes Macron (2017).
En listant ces différentes réformes successives, "tout a été fait pour dissuader la très grande majorité des demandeurs de saisir les conseils des prud'hommes." Elle a aussi regretté l'absence de représentant prud'homaux dans le groupe de travail des États généraux de la justice et douté du changement de nom proposé, dénommé "Tribunal du travail".
"Qu'y a-t-il derrière ce changement de nom ? Une nouvelle réduction du nombre de conseils (1 seul par département), la suppression de sections, des contournements du paritarisme, un transfert de pouvoir des conseillers vers le greffe qui ne demandait rien, bref une volonté d’affaiblir encore et toujours la juridiction du travail.La justice Prud’homale, qui est une justice paritaire unique en Europe, a toute sa place dans le monde judiciaire."
Louant l'efficacité du conseil des prud'hommes de Villefranche à maintenir de bon délais – "elle est reconnue dans les plus hautes instances judiciaires" – Najet Griche compte "tout mettre en œuvre pour que la justice paritaire Caladoise continue de fonctionner au mieux, avec les moyens qui lui sont alloués, afin de la pérenniser sur notre territoire de Villefranche-sur Saône."
Quel bilan pour 2022 ?
Pour son dernier discours de président sortant, Jean Yerdamian a tiré le bilan de l'année écoulée. "Si les saisines ont baissé de 8 % par rapport à 2021, le nombre d'affaires a augmenté de 16 %, et, ainsi, le conseil a absorbé les retards accumulés pendant les deux années précédentes, retards dû aux perturbations engendrées par les années Covid".
La durée moyenne des affaires terminées est en hausse, passant de 7,5 mois à 13,1 mois, "conséquence d'une série de plus de 60 affaires qui ont été traitées sur deux années civiles, par suite des différents renvois pour cause de saisines de la Cour de cassation. Enfin, sur huit affaires de retour de la Cour d'appel, seule une a été infirmée totalement et une partiellement. Ainsi le conseil retrouve progressivement ses performances passées."